| 05-06-2014 (4036 ) | Categoria: Articles |
DĂšs la fin du IX° siĂšcle, alors que depuis cinq cents ans dĂ©jĂ les pĂšlerins se rendent aux Lieux Saints, des moines et des marchands dâAmalfi obtiennent du Calife la concession, dans le quartier latin de JĂ©rusalem, dâun terrain situĂ© Ă proximitĂ© du Saint-SĂ©pulcre, Ă lâemplacement actuel de la mosquĂ©e dâOmar. Ils y Ă©difient une Ă©glise, un couvent et un hospice oĂč des moines, venus dâItalie, prodiguent des soins aux pĂšlerins et aux malades, tant chrĂ©tiens quâautochtones.
La conquĂȘte de JĂ©rusalem, en 1099, lors de la croisade des barons, dirigĂ©e par Godefroy de Bouillon, conduit Ă la fondation du royaume latin de JĂ©rusalem, qui garantit lâaccĂšs au tombeau du Christ. Lâafflux de pĂšlerins est alors tel que, pour assurer leur sĂ©curitĂ©, une partie des frĂšres hospitaliers, sous lâautoritĂ© du bienheureux GĂ©rard Tenque, originaire, dit-on, de Martigues en Provence (et dont les reliques sont conservĂ©es Ă Manosque), deviennent « moines soldats », et fondent lâordre des Hospitaliers de Saint Jean de JĂ©rusalem dont la rĂšgle sera approuvĂ©e par le pape Pascal II en 1113.
Pour les Italiens, qui revendiquent aussi ses origines, le frĂšre GĂ©rard serait nĂ© dans le village de Tonco, non loin dâAsti. Mais cette croyance, tout comme dâailleurs pour le nom de Tenque, proviendrait dâune mauvaise transcription de la phrase latine « Gerardus tunc Hospitale regebat » dans laquelle lâadverbe "tunc" ("alors" en Français) aurait Ă©tĂ© traduit par Tonco. Pour la petite histoire, les dĂ©pliants touristiques de Tonco continuent Ă perpĂ©tuer cette croyance. Il nâen reste pas moins que le PiĂ©mont, et la rĂ©gion dâAsti en particulier, pourtant dĂ©pourvue de tout accĂšs Ă la mer, tiendront un rĂŽle important dans lâhistoire de lâOrdre, en lui fournissant pas moins de 43 ou 44 amiraux, sur un total de 240, soit plus de 20%.
Afin dâĂȘtre reconnaissables, les chevaliers Hospitaliers portaient une soubreveste rouge ou noire, Ă la croix latine blanche.
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En raison de lâefficacitĂ© de son action, lâOrdre obtient, dans le systĂšme fĂ©odal de lâĂ©poque, dâimportants privilĂšges qui sont Ă lâorigine de sa souverainetĂ© et reçoit en Europe de nombreuses donations qui ont constituĂ© un rĂ©seau de commanderies, source de moyens permettant lâentretien de ses missions. Celles-ci sont constituĂ©es de terres offertes ou lĂ©guĂ©es Ă lâOrdre par de gĂ©nĂ©reux donateurs, et confiĂ©es en commande Ă des Commandeurs qui ont lâobligation dâaccueillir et de soigner les pĂšlerins et malades nĂ©cessiteux dans des dĂ©pendances amĂ©nagĂ©es en auberges et dispensaires.
A Nice, son Ă©tablissement fut facilitĂ© par lâĂ©vĂȘque Pierre qui, en 1135, donna au lĂ©gat Arnald une terre « ad honorem Dei et Jehrosolimitani ospitalis » et, en 1141, une Ă©glise au Plan de Gast, Ă RoquebilliĂšre, dans la vallĂ©e de la VĂ©subie (Cartulaire de lâancienne cathĂ©drale de Nice, ch. 34 et 52). A lâorigine probablement une fondation templiĂšre, lâĂ©glise Saint-Michel de Gast sera en grande partie reconstruite en 1533. Câest la plus importante Ă©glise qui ait fait partie des biens de lâOrdre dans les Alpes-Maritimes.
En 1163, Guillaume Rufus donne Ă lâĂ©glise de Saint-Jean quatre setiers de terre Ă Nice, au quartier Longchamp, prĂšs du lieu dĂ©nommĂ© Paradis et en 1185, les consuls Pierre et Guigues Ricardi et Foulque Bernardi cĂšdent Ă lâhĂŽpital de Saint-Jean, pour le prix de 75 livres royales, une terre au Var.
Le 2 octobre 1187, aprĂšs dâĂąpres combats au cours desquels le grand-maĂźtre Roger des Moulins tombe glorieusement Ă la tĂȘte de ses chevaliers, Saladin enlĂšve JĂ©rusalem aux chrĂ©tiens. Les hospitaliers se replient alors sur Tyr puis sur Margat, actuellement en Syrie, puis sur Acre, devenu Saint-Jean dâAcre oĂč ils Ă©difient un hĂŽpital semblable Ă celui de JĂ©rusalem.
Un siĂšcle plus tard, en 1291, les Sarrasins sâemparent de Saint-Jean dâAcre, dernier bastion chrĂ©tien en Terre Sainte. GrĂące Ă leurs galĂšres ancrĂ©es dans le port, les Hospitaliers peuvent gagner lâĂźle de Chypre. Afin de rester Ă proximitĂ© de la Terre Sainte pour en dĂ©fendre lâaccĂšs, protĂ©ger les pĂšlerins et assurer la libre circulation en MĂ©diterranĂ©e, ils dĂ©cident de sâinstaller sur lâĂźle de Rhodes quâils enlĂšvent aux pirates ottomans en 1308 (ou 1310).
DĂ©sormais maĂźtres des lieux, lâOrdre instaure une rĂ©publique aristocratique dirigĂ©e par le grand-maĂźtre, assistĂ© du Conseil, frappant monnaie et entretenant des relations diplomatiques avec dâautres Ă©tats. Dans le mĂȘme temps il organise lâadministration de ses biens en Europe en regroupant ses commanderies et prieurĂ©s Ă lâintĂ©rieur de huit rĂ©gions appelĂ©es Langues : ce sont celles de Provence, Auvergne, France, Italie, Aragon-Navarre, Castille-LĂ©on-Portugal, Angleterre et Allemagne, cette derniĂšre englobant tous les Ă©tats dâEurope centrale.
Lâensemble se subdivise en vingt-deux prieurĂ©s et en dix-neuf bailliages, le tout comprenant quelques six cents commanderies. Les revenus produits par les exploitations assurent lâentretien des domaines, les bĂ©nĂ©fices sont collectĂ©s pour le trĂ©sor gĂ©nĂ©ral de lâOrdre. La langue de Provence, la plus ancienne, fut aussi la plus reprĂ©sentĂ©e dans lâOrdre. Elle possĂ©dait deux grands prieurĂ©s, Saint Gilles et Toulouse, qui regroupaient plus de soixante commanderies Ă la fin du XVIII° siĂšcle. Chaque commanderie a lâobligation dâaccueillir et de soigner les pĂšlerins et malades nĂ©cessiteux dans des dĂ©pendances amĂ©nagĂ©es en auberges et dispensaires.
Jusquâen 1388, sous la domination des Angevins, le comtĂ© de Nice est rattachĂ© Ă la langue de Provence. Mais aprĂšs la dĂ©dition Ă la Savoie, Nice passe Ă la langue dâItalie dont le « pilier » a la charge de Grand MarĂ©chal, commandant des forces terrestres et est responsable de la dĂ©fense de Rhodes.
En 1312, cinq ans aprĂšs la confiscation de leurs biens par le roi de France Philippe le Bel et lâarrestation des Templiers, le pape ClĂ©ment V dissout lâOrdre du Temple par la bulle Ad providam Christi Vicari. Tous les biens templiers sont attribuĂ©s Ă lâOrdre de Saint-Jean de JĂ©rusalem, pour compenser les pertes quâil a subi en Terre Sainte, ce qui lui permet dâaugmenter considĂ©rablement le nombre de ses commanderies en France.
Reconvertis en marins, les Hospitaliers vont, pendant deux siĂšcles, dĂ©velopper une puissante flotte de galĂšres et traquer lâennemi partout oĂč il se trouvait. TrĂšs redoutĂ©es, les « galĂšres de la Religion » vont Ă©cumer sans relĂąche la MĂ©diterranĂ©e, en vĂ©ritables « gendarmes » de la MĂ©diterranĂ©e. Mais elles sâadonnaient aussi volontiers Ă la guerre de course, attaquant les bateaux de commerce (parfois chrĂ©tiens) dont elles sâappropriaient les marchandises et capturaient les Ă©quipages pour les enrĂŽler sur leurs galĂšres.
Avec lâavĂšnement de Mehmed II Ă la tĂȘte de lâEmpire ottoman en 1453 et la prise de Constantinople qui porte le coup de grĂące Ă lâEmpire chrĂ©tien dâOrient, les Turcs consacrent alors tous leurs efforts maritimes contre les Hospitaliers. A lâaube du 23 avril 1480, cent cinquante bĂątiments turcs embarquant cent mille hommes se prĂ©sentent au large de lâĂźle de Rhodes, dĂ©fendue par le grand-maĂźtre Pierre dâAubusson. AprĂšs quatre mois de siĂšge, ayant perdu prĂšs de vingt-cinq mille hommes, les Turcs sont battus par une flotte hispano-napolitaine venue au secours de Rhodes.
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MalgrĂ© cet Ă©chec, le sultan Mehmed II, Ă la fin de sa vie, Ă©tait Ă la tĂȘte dâun immense empire dont la capitale, Constantinople, avait maintenant pris le nom dâIstanbul. Mehmed II avait plusieurs fils dont Bayazid (Bazajet) et Djem, son cadet, dont il avait dĂ©cidĂ© quâil lui succĂšderait. Mais il meurt le 3 mai 1481, sans que soit rĂ©glĂ© sa succession.
Djem et Bayazid entrĂšrent alors dans une guerre fratricide pour la conquĂȘte du pouvoir. Le 22 juin, lors de la bataille opposant les deux armĂ©es, celle de Djem fut dĂ©faite, lâun des siens lâayant trahi. Bayazid proposa Ă Djem des arrangements financiers sâil renonçait au trĂŽne, ce quâil refusa. Sa vie dĂ©sormais en danger, Djem dut fuir et demanda aide aux chevaliers de lâOrdre des Hospitaliers de Rhodes, espĂ©rant trouver grĂące Ă eux un appui auprĂšs du roi de France, Louis XI, contre Bayazid.
Les chevaliers de Rhodes accueillirent avec bienveillance la requĂȘte de Djem, lui faisant parvenir un sauf-conduit revĂȘtu du sceau du grand maĂźtre, Pierre dâAubusson, qui le reçut avec toute la considĂ©ration due Ă son rang et le logĂšrent en vrai souverain.
Bayazid comprit quâil fallait traiter avec les Hospitaliers et Djem se retrouva au centre dâun marchĂ© de dupes : en mĂȘme temps que le grand maĂźtre signait un pacte secret avec le sultan, il en proposait un autre, Ă©galement secret, Ă Djem, en vue de lâĂ©ventualitĂ© de son avĂšnement au trĂŽne. Bayazid promettait de verser chaque annĂ©e aux Hospitaliers 35 000 ducats vĂ©nitiens et 10 000 ducats pour les dommages et prĂ©judices occasionnĂ©s par son pĂšre Ă la Commanderie. Il sâengageait en outre envers lâOrdre dâouvrir Ă ses navires tous les ports de la Turquie, Ă rendre la libertĂ©, sans rançon, chaque annĂ©e, Ă 300 captifs. De leur cĂŽtĂ©, les chevaliers sâengagent Ă veiller Ă ce quâaucun complot ne soit ourdi contre Bayazid. Une fois en possession de ces deux traitĂ©s, le grand maĂźtre ne songea plus quâĂ mettre en lieu sĂ»r son hĂŽte, devenu son prisonnier. Il lui reprĂ©senta quâil courait trop de dangers Ă Rhodes et le pressa de se laisser conduire en Europe, jusquâau moment oĂč il pourrait efficacement conquĂ©rir lâEmpire. Le prince musulman, ignorant cette combinaison, fut embarquĂ© en grande pompe le 1er septembre 1482, Ă bord de la flotte des Chevaliers et dĂ©barqua Ă Villefranche le 15 octobre, en compagnie du prince de Lombardie, Merlo di Prozzalco, du grand prieur dâAuvergne, Guy de Blanchefort, futur grand maĂźtre de lâOrdre et de quelques officiers.
Ce fut pour la population, Ă©crit Buffon, un spectacle curieux et nouveau de voir cet illustre captif, accompagnĂ© dâune foule dâesclaves, Ă©taler le faste du luxe oriental. On pourra en juger par une chronique manuscrite de Cuneo, retranscrite par Gioffredo : « au dĂ©but de cette annĂ©e [1783], on put voir Ă Cuneo, venant de Nice, le sultan Giaume, fils de feu le Grand Seigneur Mahomet II, accompagnĂ© de 40 cavaliers turcs et dâautant de cavaliers de lâOrdre de Saint-Jean de JĂ©rusalem qui le tenaient sous leur protection. De lĂ , en passant par Savigliano, il se rendit auprĂšs du roi de France ou du duc de Savoie. »
Quoique enfermĂ© dans le chĂąteau de Nice, on lui laissa une certaine libertĂ©. SteinbrĂŒck, dans son Recueil dâEtudes sur Nice, p. 251, indique que ce prince, qui se piquait de littĂ©rature, composa, pendant son sĂ©jour, deux vers turcs, oĂč il fait allusion Ă la beautĂ© du climat et Ă sa qualitĂ© de prisonnier. La traduction en serait la suivante : « Ah ! quelle ville admirable que Nice. On y demeure en dĂ©pit du caprice » ou encore : « Nice dĂ©licieuse au sĂ©jour tout charmant, on te quitte Ă regret, peut-on faire autrement ? »
Mais Djem ne restera pas longtemps Ă Nice car commence pour lui un long exil. PrĂ©textant que la peste sâĂ©tait dĂ©clarĂ©e dans la rĂ©gion, les Chevaliers de Rhodes emmenĂšrent lâinfortunĂ© prĂ©tendant Ă Rumilly, en Savoie, puis dans la Marche qui, Ă lâĂ©cart des grandes voies de communication, apparaissait mieux adaptĂ©e Ă sa sĂ©curitĂ© aux yeux de Pierre dâAubusson. Ce dernier confia donc Ă son neveu, Guy de Blanchefort, le soin de conduire Djem Ă Bourganeuf (Creuse), siĂšge du grand prieurĂ© de la Langue dâAuvergne, oĂč il vĂ©cut jusquâen 1489.
Le prince Djem est dĂ©crit « comme dâaspect physique imposant et royal, trĂšs savant dans les lettres anciennes et prompt aux rĂ©parties spirituelles et mordantes ». Durant son sĂ©jour Ă Bourganeuf, il aurait eu une idylle avec la niĂšce de Guy de Blanchefort, HĂ©lĂšne de Sassenage, que son physique et ses talents de poĂšte ne laissaient pas indiffĂ©rente mais aussi avec sa fille, Marie de Blanchefort, laquelle aurait Ă©tĂ© empoisonnĂ©e par Almeida, la favorite jalouse du sultan, qui se pendra Ă lâune des fenĂȘtres du chĂąteau.
Lâexil de Djem se poursuivra en 1488, en Italie, auprĂšs du Pape Innocent VIII qui envisageait de lancer une nouvelle croisade contre les Turcs et qui espĂ©rait utiliser Djem pour lutter contre son frĂšre Bajazet. AprĂšs accord avec le roi de France Charles VIII, Pierre dâAubusson accepte de livrer son prisonnier et envoie un dĂ©tachement de 200 hommes pour protĂ©ger le prĂ©cieux transfert. Le 10 novembre, lâescorte quitte Bourganeuf pour Toulon. En reconnaissance, Pierre dâAubusson reçut du pape le chapeau de cardinal et le titre de lĂ©gat-gĂ©nĂ©ral du Saint-SiĂšge en Asie.
EscortĂ© de 400 hommes et autant de chevaux, Djem sâembarque Ă Toulon Ă bord dâune galĂšre des chevaliers Ă destination de Civita-Vecchia, port de Rome, dans les Etats Pontificaux. Reçu en mars 1489, avec les honneurs dus Ă un souverain, le pape lui accorde un appartement au Vatican. Innocent VIII ayant placĂ© sa piĂšce maĂźtresse sur lâĂ©chiquier politique, va pouvoir rĂ©aliser son projet de croisade. Il Ă©crit aux souverains europĂ©ens que le prince prĂ©tendant, sâil recouvre son trĂŽne, retirera les Turcs de Constantinople et des rives asiatiques. Ce projet dĂ©cide Bajazet Ă supprimer son frĂšre renĂ©gat par lâintermĂ©diaire de Cristofano de Castrano, dit Magrino, qui devait empoisonner lâeau de la fontaine du BelvĂ©dĂšre, destinĂ©e Ă la table de Djem. Le projet fut Ă©ventĂ© en mai 1490 et Magrino fut pendu.
En 1492, Ă Innocent VIII succĂšde Alexandre VI Borgia, peu fait pour ĂȘtre pape, Ă la vĂ©ritĂ©. Il entretient dâexcellentes relations avec Djem, sort Ă cheval avec lui dans la campagne romaine, lâaccepte dans les processions pontificales, vĂȘtu Ă lâorientale. Ce nouveau pape ambitieux et peu religieux abandonne le projet de croisade europĂ©enne qui est repris par le roi Charles VIII. Ce dernier, venant revendiquer un hĂ©ritage lointain, dĂ©butait victorieusement la sĂ©rie des guerres dâItalie et souhaitait Ă son tour dĂ©tenir Djem avant de sâembarquer vers Constantinople. Devant les victoires françaises, Alexandre VI nĂ©gocie secrĂštement avec Bajazet la vie de lâinfortunĂ© Djem. De sombres tractations ont lieu dont une (qui nâest pas admise par tous les historiens) qui aboutit « à enlever Djem aux misĂšres de cette terre » moyennant 300 000 ducats. Toujours est-il que Charles VIII, entrĂ© en vainqueur Ă Rome le 31 dĂ©cembre 1494, devenait le nouveau maĂźtre de Djem.
Peu de temps aprĂšs, poursuivant son entreprise, Charles VIII se dirige vers Naples, avec son prisonnier, mais pas pour longtemps. En effet, lâancien captif de Bourganeuf nâa Ă©tĂ© remis aux Français que pour mourir mystĂ©rieusement. On connaĂźt la rĂ©putation (en partie justifiĂ©e) des Borgia pour les crimes au poison, au point que Commynes nâhĂ©site pas Ă affirmer que Djem a Ă©tĂ© « baillĂ© empoisonné » ! De lĂ Ă accuser indirectement le pape, son fils CĂ©sar Borgia qui a escortĂ© un temps le prince, un envoyĂ© de Bajazet ou le barbier Mustafa qui aurait empoisonnĂ© son rasoir, il nây a quâun pas ! Les suppositions allĂšrent, et vont toujours bon train. Peut-ĂȘtre nâest-il mort que des suites de sa captivité ? Djem est mort en 1495, Ă trente-six ans et son frĂšre Bajazet est dĂ©sormais dĂ©barrassĂ© de son encombrant rival, dâautant que la croisade chrĂ©tienne est tombĂ©e Ă lâeau temporairement. Notons que le sultan mourra empoisonnĂ© par son fils SĂ©lim le Cruel en 1512. Juste retour des choses !
Lâordre de Saint Jean de JĂ©rusalem a possĂ©dĂ© plusieurs navires connus sous le nom de Grande Caraque ou de Grande Nave (la Nau de Rodi) dont le Saint-Jean Baptiste, mentionnĂ© pour la premiĂšre fois en 1482. Pour sa part, Buffon Ă©crit que câest Ă Nice, en 1489 que « fut construit, pour les chevaliers de Rhodes, le Saint-Jean qui, Ă cette Ă©poque Ă©tait le plus grand navire connu. »
La Santa-Maria
Le 13 septembre 1507, le chevalier Jacques de Gastinau, commandeur du Limousin, qui avait pris le commandement du Saint-Jean Baptiste sâempara par la ruse du navire amiral du sultan dâEgypte, rĂ©putĂ© imprenable. RebaptisĂ©e Santa-Maria, elle devint le navire amiral de lâOrdre et remplacement de la Grande Nave jugĂ©e trop vieille.
MalgrĂ© lâapproche de la grande caraque, le Commandeur fait rĂ©citer une courte priĂšre aux chevaliers et demande au chapelain du navire, interloquĂ©, de donner lâabsolution. AprĂšs quelques palabres, le chapelain accepte dâoutrepasser ses droits. Le bĂątiment des chevaliers est parvenu Ă proximitĂ© de la caraque qui poursuit sa route sans prĂȘter attention au navire de lâOrdre. Celui-ci manĆuvre au plus prĂšs et coupe la route du grand bĂątiment lâobligeant Ă ralentir. Le Commandeur dĂ©lĂšgue deux ambassades successives auprĂšs du capitaine de la Caraque, surtout pour attĂ©nuer sa vigilance. Lors du deuxiĂšme rendez vous, celui-ci est stupĂ©fait dâentendre de Gastinau lui demander de se rendre. Bien entendu, il refuse et couvre les chevaliers de sarcasmes et dâinjures. Etant au plus prĂšs du gigantesque bateau sous les lignes de ses canons, les chevaliers dĂ©butent une canonnade, tuant net le capitaine turc. Profitant de la surprise et de la confusion les chevaliers lancent les grappins dâabordage. PaniquĂ©s, les marins Ă©gyptiens prĂ©fĂšrent se rendre plutĂŽt que dâĂȘtre taillĂ©s en piĂšces, et, sous bonne garde, amĂšnent leur bĂątiment et sa trĂšs riche cargaison dans le port de Rhodes. »
Moins romancĂ© est le rĂ©cit quâen fait Joseph Muscat : Gastinau donne lâordre Ă tous les canons dâun seul bord de tirer ensemble sur le navire maure. Le bruit de la canonnade fut Ă lui seul suffisant pour effrayer les marins ennemis qui cessĂšrent le combat aussitĂŽt.
RĂ©armĂ©e par les chevaliers et rebaptisĂ©e Santa Maria, cette nouvelle Grande Nave fit longtemps rĂ©gner la terreur sur la mer. Elle servit de quartier gĂ©nĂ©ral Ă lâOrdre pendant ses pĂ©rĂ©grinations Ă travers toute la MĂ©diterranĂ©e, aprĂšs la chute de Rhodes et fut dĂ©sarmĂ©e peu aprĂšs son arrivĂ©e Ă Malte. Elle fut alors utilisĂ©e comme magasin et pour hĂ©berger les esclaves dont les chevaliers sâĂ©taient emparĂ©s Ă Modon
La Santa Maria connut une fin tragique : aprĂšs quâun jeune esclave soit montĂ© clandestinement Ă bord pour dĂ©rober de la poudre Ă canon, lorsque soudain une violente explosion se produisit dans le magasin Ă poudre. Le pont entier avec les esclaves qui se trouvaient Ă bord fut emportĂ© jusquâau milieu du port et que le reste de la coque sâembrasa. Plusieurs des canons se mirent Ă tirer dâeux-mĂȘmes leurs boulets qui vinrent semer la terreur sur les bateaux alentours. Pour Ă©viter une plus grande catastrophe, un puissant canon du chĂąteau Saint-Ange tenta de la dĂ©truire, sans succĂšs. Il fallut la remorquer au large pour quâelle finisse par couler.
La Santa Anna
La caraque Sainte-Anne, destinĂ©e Ă remplacer la Santa Maria, Ă©tait un navire encore plus puissant et de taille bien plus importante. Ironie de lâhistoire, elle fut lancĂ©e Ă Nice le 21 dĂ©cembre 1522, le jour mĂȘme de la prise de Rhodes par les Turcs du sultan Soliman qui en chassent les chevaliers de lâordre de Saint-Jean de JĂ©rusalem[1]
Cette caraque, avec ses six ponts, fut le navire le plus important jamais possĂ©dĂ© par lâOrdre et Ă©tait rĂ©putĂ© comme le plus merveilleux navire de son temps. Bien que ses deux ponts infĂ©rieurs soient situĂ©s en dessous de la ligne de flottaison, le sommet du mĂąt principal dâune galĂšre nâarrivait quâĂ un mĂštre en dessous de sa poupe. Son grand mĂąt Ă©tait si Ă©norme quâil fallait six hommes pour en faire le tour. A bord se trouvait une chapelle spacieuse, dont certains panneaux qui la dĂ©coraient sont encore visibles dans la galerie des musiciens du palais du grand maĂźtre de lâOrdre Ă La Valette[2]. Sa salle de rĂ©ception et les quartiers oĂč dormaient les chevaliers Ă©taient si vastes et confortables quâils ressemblaient aux piĂšces similaires dâun palais royal[3]. Tout autour des galeries de la poupe il y avait un petit jardin avec des arbres et des plantes et oĂč les chevaliers pouvaient prendre quelque temps de repos. Elle possĂ©dait un moulin que lâon tournait Ă la main et un four oĂč le pain Ă©tait cuit chaque jour - chose inconnue sur tous les autres navires de lâĂ©poque.

Un navire de cette taille, avec un Ă©quipage de 500 hommes, nĂ©cessitait plusieurs charpentiers Ă bord. De mĂȘme quâune forge qui fonctionnait jour et nuit occupait trois forgerons. Il y avait suffisamment de nourriture et de boisson Ă bord pour pouvoir rester six mois en mer sans avoir Ă se ravitailler. Contrairement Ă ce que lâon pourrait penser, la Sainte-Anne Ă©tait Ă la fois rapide et trĂšs manĆuvrante. Elle Ă©tait parfaitement adaptĂ©e aux vents faibles et changeants de la MĂ©diterranĂ©e.
La Sainte Anne possĂ©dait 50 gros canons Ă bord et de nombreux plus petits rĂ©partis tout autour de la coque. Son artillerie Ă©tait ce qui se faisait de mieux[4]. Pour servir ces canons il y avait, entre autres, les bombardiers maltais qui avaient acquis une solide rĂ©putation pour leur adresse. La Sainte Anne pouvait affronter jusquâĂ 50 galĂšres Ă la fois[5].
Cette caraque Ă©tait recouverte de plomb en dessous de la ligne de flottaison, ce qui rendait la coque parfaitement Ă©tanche[6], une technique rĂ©volutionnaire jamais encore imaginĂ©e par les autres puissances maritimes. Ainsi, les Anglais ne commenceront Ă revĂȘtir leurs navires de cuivre que seulement 200 ans plus tard[7]. Les bordĂ©s de la Sainte Anne Ă©taient si Ă©pais quâils ne furent jamais percĂ©s par un boulet ennemi[8]. Le capitaine Windus, de lâescadre anglaise stationnĂ©e aux Indes, signale Ă lâInstitut archĂ©ologique de Londres, le 7 fĂ©vrier 1862, que la caraque Sainte Anne des chevaliers de Malte Ă©tait le premier navire de guerre cuirassĂ© pour rĂ©sister aux projectiles de son Ă©poque, donc prĂ©cĂ©dant de deux siĂšcles lâadoption moderne du fer et de lâacier. La Sainte Anne, dit-il, Ă©tait couverte de mĂ©tal et parfaitement rĂ©sistante aux tirs de canons. Apparemment, le capitaine Windus a quelque peu exagĂ©rĂ© sa description de la caraque ou alors a mal interprĂ©tĂ© Bosio qui a Ă©crit quâelle Ă©tait revĂȘtue de plomb uniquement pour la rendre Ă©tanche Ă lâeau et non aux boulets. Si tel avait Ă©tĂ© le cas, les chevaliers auraient revĂȘtu toute la coque[9]. Ce qui ne fait aucun doute câest quâil nây avait Ă lâĂ©poque aucun navire capable de lâaffronter et encore moins de la couler. La Sainte Anne devait procurer une impression extraordinaire lorsquâelle rentrait au port. Ses mats sâĂ©levaient jusquâaux bastions tandis que ses voiles, lorsquâelles nâĂ©taient pas ferlĂ©es recouvraient et cachaient le fort Saint Ange. Ses sculptures peintes[10] et une multitude de drapeaux de toutes formes, tailles et couleurs offraient un spectacle exceptionnel tandis quâun orchestre jouait Ă bord pour annoncer une nouvelle campagne victorieuse[11].
La Sainte Anne disposait de grandes embarcations avec 15 bancs de rameurs et cinq autres plus petites. Toutes, Ă lâexception dâune des deux grandes Ă©taient embarquĂ©es Ă bord. Lâautre grande embarcation, probablement une brigantine, Ă©tait remorquĂ©e. Ces bateaux, brigantines ou caĂŻques, Ă©taient souvent utilisĂ©s pour attaquer les galiotes turques. Les brigantines Ă©taient suffisamment grandes pour embarquer un demi-canon Ă la poupe et deux Ă la proue. Un navire de ce type prit part Ă lâattaque de La Goulette[12].
Personne nâaurait pu imaginer quâun navire aussi majestueux, la merveille de lâOccident, aurait eu une carriĂšre aussi courte. En 1540, 18 ans aprĂšs son lancement, le Grand-maĂźtre Juan dâOmedes ordonna de dĂ©monter ses canons et tout son armement et la navire lui-mĂȘme fut laissĂ© Ă lâabandon[13].
Les campagnes victorieuses de la Sainte Anne apportĂšrent beaucoup dâhonneurs Ă son capitaine, Fra Francesco de Cleremont. Ce qui avait rendu dâOmedes jaloux, au point de vouloir dĂ©truire de Cleremont en lui retirant son bateau. Câest ainsi que dâOmedes ordonna la construction dâune nouvelle caraque pour un autre capitaine. En fait aucun autre navire de ce type ne fut construit car remplacĂ© par deux galions. Tous les chroniqueurs sâaccordent pour dire que dâOmedes Ă©tait dĂ©testĂ© par tout le monde, aussi bien les Maltais que les chevaliers eux-mĂȘmes. CâĂ©tait un vieillard colĂ©rique et orgueilleux, sans scrupules et un vĂ©ritable psychopathe. Cependant, lâOrdre connut Ă cette Ă©poque des difficultĂ©s financiĂšres due Ă la confiscation de ses biens en Angleterre par Henry VIII et lâabandon de la Sainte Anne apparut comme une mesure dâĂ©conomie. Le navire Ă©tait aussi trop grand pour pĂ©nĂ©trer dans le port de Tripoli, autre possession de lâOrdre et la dĂ©cision de retirer la Sainte Anne fut prise lors du chapitre gĂ©nĂ©ral de 1540[14].
Notes
[1] G. Bosio, 22. Historia della Sacra Religione et Illustrissima Militia di S. Giovanni Giersolmitano, Venise, 1695. Il y avait tellement de feux et de fumĂ©es sur le chantier de la Sainte Anne quâaucun des ouvriers qui travaillait Ă bord ne fut touchĂ© par lâĂ©pidĂ©mie qui sĂ©vissait alors dans la ville.
[2] Ibid., 150. Voir aussi E.W. Schermerhorn, Malta of the Knights (Surrey, 1929), 113.
[3] P.J. Taurisano, Antologia del Mare, Dalle opere del P. Guglielmonti (Florence, 1913), 198.
[4] Bosio, iii, 150.
[5] Ibid., 114.
[6] Ibid., 150.
[7] F.C. Bowen, From Carrack to Clipper (London, 1948), 20.
[8] Bosio, iii, 150.
[9] Les Byzantins utilisaient un revĂȘtement de plomb pour protĂ©ger les coques contre les attaques des tarets et la pourriture : voir H. Frost, Under the Mediterranean (London, 1963), 234, 235.
[10] Schermerhorn, 113.
[11] Bosio, iii, 150.
[12] Bosio, iii, 150.
[13] Bosio, iii, 150.
[14] Ibid., 254. Voir aussi Muscat, La Caraque, pp. 15-28.
En 1520 Soliman accĂšde Ă la tĂȘte du vaste Empire Ottoman lĂ©guĂ© par SĂ©lim Ier. Quelques mois plus tard, Philippe Villiers de lâIsle-Adam est Ă©lu grand maĂźtre de lâOrdre contre le chancelier et grand prieur de la langue de Castille, AndrĂ© dâAmaral. Battu, ce dernier aurait conçu de se venger en livrant Rhodes Ă Soliman. En se rendant Ă Rhodes, au dĂ©part de Marseille, le nouveau grand maĂźtre fait une escale Ă Villefranche, Ă bord de la grande caraque de lâOrdre.
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Le 28 juin 1522, reprenant le plan de SĂ©lim Ier, dit le FĂ©roce, Soliman le Magnifique se prĂ©senta devant Rhodes Ă la tĂȘte de 200 000 hommes quâil avait fait embarquer Ă bord de 400 bĂątiments. De son cĂŽtĂ© Villiers de lâIsle-Adam ne disposait que de 600 chevaliers et 4 500 Ă©cuyers et servants dâarme. AprĂšs cinq mois dâattaques incessantes, Soliman sâapprĂȘtait Ă lever le siĂšge, aprĂšs avoir sacrifiĂ© quatre-vingt mille hommes et lancĂ© sur la ville quelque quatre-vingt mille boulets, quand la trahison du grand chancelier dâAmaral lui permit dâemporter la place. Contraint de capituler, le grand maĂźtre Villiers de lâIsle-Adam fit sauter les Ă©glises afin quâelles ne soient pas profanĂ©es, puis envoya le chevalier Petrucci nĂ©gocier avec Soliman.
LâhĂ©roĂŻsme des Hospitaliers de Saint-Jean et des insulaires avait tant forcĂ© lâadmiration du sultan quâil leur accorda les honneurs de la guerre et les laissa quitter lâĂźle.
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Le Ier janvier 1523, les Chevaliers accompagnés de quatre mille Rhodiens qui refusaient le joug turc embarquÚrent avec leurs archives, leurs reliques, leur trésor et leurs armes, à bord de trente vaisseaux dont la Santa Maria pour une longue errance. Il faisait, dit la chronique, un temps affreux.
En quittant Rhodes, les Chevaliers firent dâabord voile vers la CrĂšte. Ils font escale Ă Candie le 5 janvier 1523, le temps de se compter et de reconstituer leur flotte. De lĂ , ils font voile vers Messine, en Sardaigne, quâils atteignent le 30 avril, puis sâarrĂȘtent Ă Baia le 22 juin et Ă Civitavecchia, le 7 juillet. De lĂ , le grand maĂźtre Villiers de LâIsle Adam, demandera asile au pape ClĂ©ment VII, ancien hospitalier, qui installera provisoirement lâOrdre Ă Viterbe (25 janvier 1524) tandis que ses galĂšres restaient Ă Civitavecchia.
Dans une lettre du 25 dĂ©cembre 1523, ClĂ©ment VII supplie le duc de Savoie de recueillir et de rassembler les membres dispersĂ©s et errants de lâOrdre qui pourrait, de la sorte lutter efficacement contre les Musulmans. Le duc de Savoie, qui avait dĂ©jĂ rendu de grands services aux Chevaliers de Rhodes, ne tarda pas Ă leur ĂȘtre utile.
Il y avait alors, dans le port de Villefranche, Ă©crit Gioffredo, les deux caraques de lâOrdre, qui Ă©taient pourvues dâune trĂšs puissante artillerie. Charles Quint, le roi dâAngleterre, et Charles duc de Bourbon, devenu leur alliĂ©, avaient, dans le mĂȘme temps, rĂ©solu dâenvahir la Provence. Dans le cours de juin 1524, pendant que le connĂ©table de Bourbon, Ă la tĂȘte de 25.000 ImpĂ©riaux, arrivait dans les environs de Nice et sâarrĂȘtait Ă Saint-Laurent-du-Var, la flotte impĂ©riale, commandĂ©e par Ugo de Moncada, Prieur de Messine, partait de GĂȘnes avec un important matĂ©riel de guerre et les munitions, et arrivait en sĂ»retĂ© dans le port de Monaco. De son cĂŽtĂ©, la flotte française, commandĂ©e par Antoine de La Fayette, celui-ci assistĂ© de AndrĂ© Doria, et composĂ©e de douze vaisseaux, dix galĂšres, quatre grandes caraques, avec plusieurs galĂ©ons et galiotes, vint occuper la rade de Villefranche.
Dans la crainte que ces coalisĂ©s, comme aussi François Ier, ne sâemparent des caraques de lâOrdre pour augmenter leur flotte , le pape, pour permettre Ă lâOrdre de garder une stricte neutralitĂ©, avait dĂ©pĂȘchĂ© en toute hĂąte Ă Villefranche Gonzalo Pimenta, Prieur du Portugal et Francesco Talis, Commandeur de la Vraie Croix, munis dâun bref demandant au duc de Savoie de dĂ©sarmer et de dĂ©mĂąter les deux caraques, et mĂȘme de les « abattre en carĂšne » afin de les rendre impropres Ă la navigation. Les capitaines de ces vaisseaux, Poncetto DurrĂš et Pierre de Cardinas, le premier provençal, lâautre espagnol, exĂ©cutĂšrent ponctuellement ces prescriptions .
En 1527, le chevalier Louis Del Pozzo, prieur de Pise, capitaine des galĂšres de la religion, dont plusieurs avaient Ă©tĂ© armĂ©es Ă ses frais, partit de Rome, avec un sauf conduit du Pape, pour embarquer Ă Civitavecchia la « caravane » des chevaliers venus de Viterbo oĂč se trouvait alors, comme on lâa vu, leur rĂ©sidence. LĂ il reçu les instructions du Conseil de lâOrdre, qui lui enjoignit de naviguer vers lâĂźle de Monte-Cristo et de se diriger ensuite en droiture sur Villefranche. Il lui Ă©tait dĂ©fendu de se rendre Ă Marseille, pour ne pas indisposer Charles Quint ou le roi de France.
De Nice, il devait dĂ©pĂȘcher un Chevalier au Grand-MaĂźtre, alors en France, pour le supplier de venir sâembarquer Ă Villefranche. Villiers de lâIsle-Adam se rendit Ă cette invitation et prit la mer dans ce port, en emportant le trĂ©sor de la communautĂ©, qui se trouvait en Provence. Mais il lui fut impossible de dĂ©barquer sur les cĂŽtes italiennes, ravagĂ©e par la peste. Alors en 1527, le Grand-MaĂźtre envoya Hercule de None comme ambassadeur auprĂšs du duc de Savoie pour lui demander que lâOrdre ait sa rĂ©sidence Ă Villefranche et Ă Nice, jusquâĂ ce que lâĂźle de Rhodes lui soit restituĂ©e. Le dĂ©sir des Chevaliers, ajoutait-il, Ă©tait dâarmer le plus grand nombre de galĂšres et de vaisseaux, pour lutter contre les corsaires musulmans qui, avec leurs galiotes et leurs bateaux, ne cessaient dâinquiĂ©ter la cĂŽte. A cet effet, il demandait quâil soit fourni Ă lâOrdre, pour le service des galĂšres, un certain nombre de forçats condamnĂ©s dans les Etats de Savoie. Il sâengageait en outre Ă observer la neutralitĂ© avec les puissances. Le duc de Savoie souscrivit volontiers Ă toutes ces demandes : il concĂ©da mĂȘme, en ce qui concernait les achats de denrĂ©es et de marchandises, des franchises analogues Ă celles des habitants, avec exemption de toutes redevances ; il exprima le dĂ©sir que le chevalier HonorĂ© Chiabaudo de Tourrettes fut chargĂ© de lâadministration de la justice sur les membres de lâOrdre.
A la suite de cette autorisation, le 8 octobre 1527, Villiers de lâIsle-Adam dĂ©barqua Ă Villefranche et habita avec sa famille une ancienne forteresse situĂ©e au sommet du village, vers lâemplacement occupĂ© en son temps par des capucins. Les chevaliers et les autres membres de la communautĂ© logĂšrent dans la ville. Leur prĂ©sence, les vaisseaux quâils firent construire, le mouvement qui sâensuivit, tout contribua Ă donner au port un grand dĂ©veloppement.

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Le 14 novembre, le Grand-MaĂźtre quitta la forteresse de Villefranche et sâĂ©tablit Ă Nice prĂ©s du puits de MascoĂŻnat.
Le 22 novembre de la mĂȘme annĂ©e, le Grand MaĂźtre apprend Ă Villefranche que de Lautrech, son grand ami, sâĂ©tait emparĂ© de Pavie ; il lui envoie son sĂ©nĂ©chal, le rĂ©vĂ©rend Pierre du Pont, pour le prier de faire restituer « à la religion » lâartillerie que le duc de Bourbon avait prise Ă une caraque de lâOrdre (qui se trouvait mouillĂ©e Ă Villefranche) et laissĂ©e Ă Pavie. De Lautrech restitua les canons.
A la fin de ce mois, Villiers avise les princes chrĂ©tiens de son installation et invite les Hospitaliers Ă le rejoindre Ă Nice, oĂč ils arrivent tous les jours.
Pendant ce temps, la flotte de lâOrdre demeurait dans la Rade de Villefranche. Elle comprenait alors cinq galĂšres ordinaires, dont trois de Rhodes et deux nouvelles construites Ă Villefranche et dĂ©nommĂ©es « Saint Jacques » et « Saint Philippe », deux caraques, un galion, le vaisseau « Marietta » de Rhodes, celui dâAntoine Bonaldi, avec trois barques et deux brigantins, sept cent soldats, presque tous Gascons. La prĂ©sence de cette puissante flotte dans les eaux de Savoie eut comme consĂ©quence immĂ©diate de presser le duc Charles III Ă mettre un certain nombre de galĂšres Ă Villefranche. Pour faire face Ă leurs constructions, ainsi quâĂ leur entretien, il obtint du Pape ClĂ©ment VII (par sa bulle du 7 fĂ©vrier 1328), le droit de percevoir, pendant le dĂ©lai de dix annĂ©es, un ducat dâor pour cent, sur la valeur de toutes les marchandises dĂ©barquĂ©es Ă Nice ou Ă Villefranche.
La flotte de lâOrdre fut trĂšs utile au pays. Non seulement elle tenait Ă©loignĂ©s des cĂŽtes les pirates africains mais, pendant la disette de 1528, elle fournit constamment des secours aux habitants affamĂ©s. Les navires ne restĂšrent pas inactifs dans la rade. Par ordre du Grand MaĂźtre, la caraque ancienne allait Ă Oran pour prendre des chargements de blĂ©. La caraque neuve, sous la direction de ThĂ©odore Saluzzo, allait en Sicile, et revenait avec des vivres.
LâOrdre Ă©tait sous lâautoritĂ© dâune seule puissance, le Saint SiĂšge. Le Pape avait requis ses galĂšres, pour conduire en Angleterre son lĂ©gat, le cardinal Campeggio. Au retour de ce voyage, Gimel, commandant des galĂšres, rencontra sur la cĂŽte de Marseille une galiote turque dont il sâempara et quâil conduisit triomphalement Ă Villefranche. Le chef musulman qui la commandait fut pendu au grand mĂąt de la caraque « Sainte Anne », afin de servir dâexemple. La chiourme des cinq galĂšres de lâOrdre fut renforcĂ©e de 95 esclaves, pris parmi les prisonniers turcs et maures et la libertĂ© fut donnĂ©e Ă 150 chrĂ©tiens.
Cependant, il Ă©tait important, pour les Chevaliers, de reconstituer leur puissance, telle quâils lâavaient eue Ă Rhodes. Charles-Quint, prĂ©voyant le parti quâil pouvait tirer de leur organisation, au cas surtout oĂč il entrerait en lutte avec les Musulmans, leur donna lâĂźle de Malte et la principautĂ© de Tripoli en toute propriĂ©tĂ©. Les Chevaliers de Rhodes, qui vont maintenant devenir les Chevaliers de Malte, aprĂšs avoir sĂ©journĂ©, pendant prĂšs de deux annĂ©es, dans les Etats du duc de Savoie Ă Villefranche et Ă Nice, transfĂ©reront dĂ©finitivement Ă Malte la Compagnie entiĂšre de lâOrdre. Selon la dĂ©cision du Grand MaĂźtre et du Conseil, le dĂ©part fut dâabord donnĂ© Ă quatre galĂšres, qui quittĂšrent Nice le 18 juin, sous la direction du marĂ©chal Gabriel du Chief. Tous les soldats et les habitants de Rhodes sâembarquĂšrent Ă Villefranche, sur les caraques et les autres navires. Dans la matinĂ©e du 12 juillet, en prĂ©sence de Nicod de Beaufort, gouverneur du duc de Savoie, et des syndics de Nice, les Chevaliers et le Grand MaĂźtre assistĂšrent Ă une messe solennelle, devant lâimage de la Vierge de Filermo, que lâOrdre avait rapportĂ© de Rhodes, et dont ils laissĂšrent un retable, dans lâĂ©glise de la Commanderie de Nice (aujourdâhui dans lâĂ©glise Saint BarthĂ©lĂ©my Ă Nice).
Le Grand MaĂźtre se rendit ensuite Ă la plage de Nice et, aprĂšs avoir exprimĂ© toute sa gratitude aux reprĂ©sentants du duc de Savoie pour les Ă©gards que Nice et Villefranche avaient eus envers lâOrdre, il sâembarqua sur la cinquiĂšme galĂšre qui, sous la direction du Commandeur Bault de Luynes, se dirigea vers Villefranche. LĂ prirent la mer, sur la caraque neuve, les Chevaliers du Conseil et, le 18 juillet, jour de dimanche, les ancres furent levĂ©es. La flotte se dirigea vers la Sicile et arriva, aprĂšs une heureuse traversĂ©e, Ă lâĂźle de Malte, le 26 octobre : « con universale allegrezza di tutti giunsero a salvamento in Malta, mercoledi mattino a venti sei del mese di ottobre, dellâanno sopradotto mille cinquecento, e trenta a due hore di Sole »
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Tout le XVI° siĂšcle sera marquĂ© par la lutte qui oppose la France Ă lâEspagne. MalgrĂ© la trĂȘve de dix ans signĂ©e en 1538 au congrĂšs de Nice entre Charles-Quint et François Ier, les hostilitĂ©s ne tarderont pas Ă reprendre entre lâempereur et le roi de France. Ce dernier sâallie Ă Soliman le Magnifique. En juin 1543, une imposante flotte de galĂšres franco-turques, emmenĂ©es par le cĂ©lĂšbre corsaire Barberousse, met le siĂšge devant Nice. La ville se rendit au troisiĂšme assaut, le 22 aoĂ»t 1543, aprĂšs une hĂ©roĂŻque rĂ©sistance. Le chĂąteau, lui, tiendra jusquâĂ la retraite des forces ennemies et ne sera jamais pris.
Plus quâĂ lâannonce de lâarrivĂ©e imminente de renforts espagnols et savoyards et surtout aux querelles de commandement entre les Français et les Turcs, les Niçois attribuent ce retrait de la flotte barbaresque Ă lâhĂ©roĂŻque rĂ©sistance de ses dĂ©fenseurs et tout particuliĂšrement de la cĂ©lĂšbre mais lĂ©gendaire Catherine SĂ©gurane dont ils honorent aujourdâhui encore la mĂ©moire. Mais câest aussi grĂące Ă leur chef, Paul Simeon de Balbs de Quiers, chevalier de lâordre des Hospitaliers, que le chĂąteau tiendra bon. Son histoire mĂ©rite dâĂȘtre reprise ici, tant elle est significative de la foi et de la tĂ©nacitĂ© qui habitaient les chevaliers de Saint-Jean de JĂ©rusalem dans leur lutte incessante contre les « infidĂšles ».
Parmi les Ăźles du DodĂ©canĂšse, la plus septentrionale des Ăźles du domaine des Hospitaliers Ă©tait celle de Leros « dont le gouverneur Ă©toit en 1506, raconte lâabbĂ© de Vertot, un ancien chevalier de la Langue dâItalie qui, Ă©tant alors malade Ă lâextrĂ©mitĂ©, laissa le soin de la dĂ©fense Ă un jeune chevalier piĂ©montais Ă peine ĂągĂ© de dix-huit ans, appelĂ© Paul Simeoni... ». Le sultan BayĂ©zid ayant dĂ©cidĂ© de razzier les Ăźles de la religion, le corsaire Camali dĂ©barque Ă Leros 500 Turcs qui battent les murailles avec du canon et, finalement, y pratiquent une brĂšche par laquelle ils sâapprĂȘtent Ă donner lâassaut. Sans sâaffoler, malgrĂ© son jeune Ăąge, Simeoni rassemble tous ceux qui sâĂ©taient rĂ©fugiĂ©s au chĂąteau, « mĂȘme leurs femmes » - dĂ©jĂ , pourrions-nous ajouter -, les fait monter au rempart revĂȘtus de la tenue de combat des chevaliers : la cotte dâarmes rouge Ă manches courtes, barrĂ©e sur la poitrine et dans le dos dâune grande croix blanche. A leur vue, stupeur des Turcs qui, sâimaginant quâun secours est arrivĂ© durant la nuit, dĂ©campent prĂ©cipitamment et se rembarquent de peur dâĂȘtre pris au piĂšge par les galĂšres de Rhodes.
Vingt-six ans plus tard, Simeoni sera fait prisonnier par Barberousse et enfermĂ© au bagne de Tunis avec 6.000 autres captifs chrĂ©tiens - 12.000, selon dâautres sources. En 1435, Charles-Quint dĂ©cide dâattaquer Tunis. Il rassemble une armada de quatre cents navires, vingt-six mille fantassins et deux mille chevaux, et sâembarque Ă Barcelone le 2 juin 1535 pour arriver le 14 devant Tunis. AprĂšs sâĂȘtre emparĂ© du fort de La Goulette et le dĂ©part de Barberousse, il met le siĂšge devant Tunis. Câest alors que Simeoni, ayant organisĂ© la rĂ©volte des prisonniers, rĂ©ussira Ă se faire ouvrir les portes du bagne et se rendra maĂźtre de la citadelle, non sans avoir hissĂ© sur les remparts la banniĂšre de lâOrdre, paralysant ainsi la dĂ©fense et prĂ©cipitant la reddition de la ville. Charles-Quint lui en saura grĂ©, qui le fĂ©licitera en ces termes : « Messire chevalier et ami, je vous rends grĂąces de la courageuse rĂ©solution qui vous a amenĂ© Ă rompre vos chaĂźnes, ce qui a rendu ma victoire plus facile et augmentĂ© la gloire de lâOrdre. »
Toutes ces actions dâĂ©clat valent Ă Paul SimĂ©on dâaccĂ©der Ă la dignitĂ© de grand prieur de Lombardie.
Sept ans plus tard encore, sâĂ©tant mis « en congĂ© de la Religion », il se met au service de son suzerain naturel, le duc de Savoie, qui lui confie, le 7 aoĂ»t 1543, et contre le mĂȘme Barberousse, la dĂ©fense du chĂąteau de Nice. Nul doute quâil y employa la mĂȘme ruse quâĂ Leros, en faisant monter sur les remparts du chĂąteau tous les hommes qui sây Ă©taient rĂ©fugiĂ©s et « mĂȘme leurs femmes », dont une certaine Catherine SĂ©gurane....
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Il faudra attendre plus dâun an pour que la paix soit rĂ©tablie. AprĂšs la signature du TraitĂ© de Cagnes, le 16 novembre 1544, par lequel le roi de France renonce dĂ©finitivement au comtĂ© de Nice, lâacte de restitution des terres occupĂ©es par les Français est ratifiĂ© le 6 dĂ©cembre 1544 par Paul SimĂ©on et Odinet de Montfort, « Gouverneur de Nice et toutes les Terres Neuves ». Disposant alors de financements, Paul SimĂ©on entreprend de faire rĂ©parer et consolider les fortifications du chĂąteau : Gioffredo Ă©crit quâen 1548, « on atteignit Ă la perfection des fortifications commencĂ©es de nombreuses annĂ©es auparavant... » et une plaque de marbre, datĂ©e du 13 novembre 1548, cĂ©lĂ©bra la fin des travaux de dĂ©fense du chĂąteau et de la ville haute. Travaux quâil fallut cependant reprendre deux ans plus tard, en raison des progrĂšs continuels de lâartillerie. Ce sera, comme nous lâapprend une Ă©tude rĂ©cente de Mara de Candido, la tĂąche de lâingĂ©nieur Gianmaria Olgiati qui aboutira Ă la rĂ©alisation dâune « chaĂźne de fortifications » englobant, outre le chĂąteau de Nice, la citadelle de Villefranche, le fort du Mont-Alban et celui de Saint-Hospice.
Parmi les plus cĂ©lĂšbres chevaliers niçois de lâOrdre, devenu Ordre de Malte, figure bien sĂ»r Jean-Paul Lascaris, 57Ăšme grand maĂźtre, de 1536 Ă 1657.
La famille Lascaris-Vintimille constituait une des plus illustres familles de la noblesse niçoise, descendant en ligne masculine des comtes de Vintimille. Guillaume-Pierre de Vintimille , ambassadeur de la RĂ©publique de GĂȘnes Ă Constantinople, Ă©pousa en 1261 la princesse Eudoxie Lascaris, la plus jeune des filles de lâEmpereur ThĂ©odore II Lascaris de NicĂ©e, dont la fils Jean IV fut dĂ©chu par la nouvelle dynastie des PalĂ©ologue.
Les descendants de Guillaume-Pierre et dâEudoxie Lascaris, en particulier les comtes de Tende et seigneurs de la Brigue, relevĂšrent le nom et les armes des Lascaris. Jean-Paul Lascaris appartenait Ă la branche des seigneurs de Castellar, issue dâun frĂšre de Guillaume-Pierre. Lâun de ses aĂŻeux Ă©pousa Hilaria Lascaris, des seigneurs de la Brigue et adopta Ă son tour le nom et les armes des Lascaris.
Jean-Paul Lascaris, fils de Jeannet, coseigneur de Castellar et de sa cousine Francisquette, fille dâAugustin Lascaris, serait nĂ© le 28 juin 1560 Ă Nice ou bien, selon Toselli, Ă Castellar. Suivant lâexemple familial, il fut admis, en 1584, dans lâOrdre de Malte oĂč deux de ses parents sâĂ©taient dĂ©jĂ illustrĂ©s : François Lascaris-Vintmille, de la Langue dâItalie obtint pour celle-ci la prĂ©rogative du commandement des galĂšres de lâOrdre, en 1524. Son oncle, HonorĂ© Lascaris, fut commandeur de Nice puis gouverneur de lâĂźle de Gozo oĂč il mourut en 1639. Ce sont en tout une trentaine de Lascaris qui, du XVIe au XVIIIe siĂšcle entrĂšrent dans lâOrdre de Malte, presque tous issus des branches de Castellar et de la Brigue.
Jean-Paul Lascaris, dĂ©crit comme intelligent et austĂšre, nourri de bonnes Ă©tudes et de zĂšle religieux, fut tout dâabord prĂ©posĂ© Ă lâadministration des grains. Par la suite il fut prieur de Saint-Gilles et bailli de Manosque dans la Langue de Provence. A la mort du grand maĂźtre Antoine de Paule, le 11 juin 1636, il aspira Ă le remplacer et, le 13 juin , il fut Ă©lu 57Ăšme grand-maĂźtre de lâOrdre.
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Jean-Paul Lascaris est restĂ© fort peu populaire dans la mĂ©moire maltaise. Il a laissĂ© le souvenir dâun souverain contrariant et entĂȘtĂ© ainsi que la lĂ©gende dâun personnage peu sympathique, exprimĂ©e encore de nos jours par le dicton populaire « vicc Lascaris » qui qualifie une physionomie peu avenante. Mais son magistĂšre fut lâun des plus importants quâait connu lâOrdre pendant sa rĂ©sidence Ă Malte, ne serait-ce que par sa durĂ©e de 21 ans. En particulier, il poursuivit mĂ©ticuleusement lâĆuvre de ses prĂ©dĂ©cesseurs en complĂ©tant la formidable ceinture de fortifications autour de La Valette et du grand port.
Le grand maĂźtre Lascaris nâoublia pas sa patrie niçoise. En 1639 il acheta pour 18000 Ă©cus les moulins et fours appartenant Ă la commune de LucĂ©ram et en dota une nouvelle commanderie de « jus patronat », dite de Saint-Marguerite de LucĂ©ram. Jusquâen 1738, ses petits-neveux et arriĂšre-petits-neveux, propriĂ©taires du palais familial de la rue Droite, Ă Nice, furent les titulaires et usufruitiers de cette commanderie. En 1642, il envoya Ă la cathĂ©drale Sainte-RĂ©parate, par les soins de son neveu le marĂ©chal de camp Jean-Baptiste Lascaris, les reliques dâun Saint-Vincent Martyr, enfermĂ©es dans une chasse dâĂ©bĂšne et dâargent. LâĂ©glise paroissiale de Castellar et dâautres membres de sa famille bĂ©nĂ©ficiĂšrent Ă©galement de ses libĂ©ralitĂ©s.
AprĂšs sa mort, survenue le 14 aoĂ»t 1657, son mausolĂ©e de lâĂ©glise Saint-Jean-Baptiste, de La Valette, lui fut Ă©levĂ© par des chevaliers issus de sa parentĂ©.
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